Avis du CSE SSG sur la Politique Sociale, Emploi, l’égalité professionnelle et les conditions de travail 2024
1. Contexte économique et évolution des effectifs
Le secteur IT en France connaît un ralentissement après 15 ans de croissance. Le chiffre d’affaires du Groupe Sopra recule en 2024 (-0,5%) et davantage en 2025 (-4% à fin juillet). Les effectifs CDI diminuent à périmètre constant depuis 2021.
Les ruptures conventionnelles ont doublé entre 2023 et mi-2025, devenant le second motif de départ. Les élus du CSE s’alarment de cette hausse et rappelle que la loi est formelle : les ruptures conventionnelles ne doivent pas servir à gérer des difficultés économiques.
Les élus du CSE demandent à la direction :
- Des explications sur la baisse d’effectifs à périmètre constant depuis 2022 : quelle est la logique sous-jacente ? Quelles sont les perspectives à court et moyen terme ?
- Un plan détaillé sur les perspectives d’emploi à court et moyen terme.
- La distinction des ruptures conventionnelles à l’initiative de l’employeur de celles à l’initiative du salarié dans les documents de suivi mensuel des effectifs.
2. Égalité professionnelle
La féminisation de l’effectif stagne : 31% des effectifs et 33% des recrutements depuis 3 ans. Le plancher collant ( notamment le métier d’assistante et des fonctions supports), et le plafond de verre (chute de la proportion de femmes dans les plus hautes classifications) persistent.
Le nouvel accord d’égalité professionnelle exclut 38% des femmes du processus d’identification des écarts de salaire.
Les élus du CSE demandent :
- le suivi de la féminisation de l’effectif N5 et N6 ;
- une analyse du parcours des femmes en temps partiel ;
- à la commission de suivi de l’accord d’analyser les pistes d’évolution suivantes
- abaisser la condition de présence d’hommes pour la mesure des écarts de salaire à 3 hommes au lieu de 5 actuellement ;
- supprimer les critères Filière/niveau/âge, ce qui permettrait d’évaluer toutes les femmes ;
- abaisser l’écart de salaire à 2% au lieu de 3% et ajouter la comparaison à la moyenne.
3. Temps de travail
Les élus du CSE jugent que le suivi du temps de travail n’est pas réalisé de manière effective chez Sopra Steria. Le nombre de salariés déclarant leur temps de travail reste ridiculement bas. Le nombre d’heures supplémentaires déclarées et acceptées ne cesse de diminuer depuis plusieurs années (26 363h en 2024). La direction n’a donné presque aucun autre élément sur ce sujet cette année.
Les élus du CSE mettent en évidence chaque mois des cas de non-respect de la légalité sur le temps de travail (dépassements des 10h de travail par jour, dépassements des 46h par semaine, non-respects des 11h de repos quotidien, non-respects des 35h de repos hebdomadaire). La direction refuse de fournir des données individuelles à l’expert, ce qui permettrait de quantifier les infractions. Malgré les alertes, la direction refuse donc de faire un état des lieux et n’a lancé aucune action corrective.
4. Rémunération
Les augmentations annuelles chutent. Le montant des augmentations représente 1,7% de la masse salariale en 2025 contre 2,8% en 2024, avec la conséquence de 55% de salariés non augmentés. Ce sont les plus faibles augmentations depuis 15 ans.
Les élus du CSE demandent :
- de la visibilité sur la trajectoire prévue de l’enveloppe d’augmentation pour l’année 2026 notamment afin de s’assurer de la cohérence de celle-ci avec les objectifs de recrutements et de fidélisation des salariés ;
- des informations au sujet du maintien ou non de 2 CRH en 2026.
5. Les parcours professionnels et l’accompagnement de la seconde partie de carrière
L'analyse du cabinet Syndex par “cohortes” révèle ainsi des dynamiques de parcours.
Pour les jeunes diplômés, le taux de départ reste très élevé.
Pour les salariés seniors, les travaux des experts mettent en lumière des dynamiques de parcours plus limitées, en termes de promotion et d’augmentation.
Les plus de 50 ans représentent 21% de l’effectif SSG ; et les plus de 55 ans représentent 11% de l’effectif SSG. On constate pour cette population un moindre accès à la formation ce qui est dommageable pour le maintien de leur employabilité. Les dispositifs existants pour accompagner la fin de carrière (préparation à la retraite, retraite progressive, CET, mécénat de compétences) sont jugés insuffisants.
Les élus du CSE constatent que les salariés de 45 ans et plus sont négligés voire discriminés (dynamique de parcours, promotions et augmentations).
Les élus du CSE demandent :
- la mise en place d’un plan d’actions à destination des salariés de plus de 45 ans en termes de formation, promotions et augmentations, la baisse des anomalies de parcours professionnels de ces dernières années étant plus liée aux départs de ces profils qu’à une prise en compte de la problématique par la direction ;
- une politique plus ambitieuse et une négociation d’un accord senior qui s’inspirera de l’ANI Senior signé en 2024.
6. Emploi et développement des compétences
Selon la direction, environ 200 salariés seulement des métiers de l’intégration sont classés en catégorie « emploi sensible », et aucun pour le Conseil. Avec l’impact de l’IA et des NextGen, les élus n’y croient pas.
Les élus du CSE demandent à :
- redéfinir la notion d’« emploi sensible » en y ajoutant la notion d’obsolescence de compétences, avec une anticipation à 5 ans, La direction ne parle que de 3% d'emploi sensibles ce qui n'est pas crédible, alors que l'IA bouscule une grande majorité d'emplois ;
- anticiper les transformations des métiers impactés par l’IA ;
- être consulté sur le déploiement d’outils basés sur l’IA conformément au cadre légal ;
- à accélérer les formations concrètes type « Prompt Engineering » qui sont actuellement sous-dimensionnées et pas assez mises en avant par le management dans les plans de développement des compétences alors que les clients attendent déjà des gains de productivité avec l’IA.
7. Entretiens professionnels
Les entretiens professionnels, au-delà des obligations découlant du cadre légal, sont primordiaux dans la gestion des parcours professionnels, d’autant plus dans un secteur IT en évolution constante et dans le cadre du plan de transformation NextGen.
Pourtant, la réalisation de ces entretiens n’a jamais atteint les 100% et reste de l’ordre de 60% de réalisation.
Les élus du CSE rappellent à la direction son obligation de transmettre au cabinet Syndex le détail de la réalisation de ces entretiens pour l’ensemble de l’effectif de SSG au titre de 2023 et 2024.
Les élus du CSE demandent
- à la direction de respecter la loi sur les entretiens professionnels ;
- une information claire et exhaustive sur la réalisation des deux entretiens biannuels et de l’entretien à 6 ans ;
- une plateforme unique pour suivre les entretiens, avec alertes automatiques pour les managers et salariés ;
- que les entretiens professionnels légaux dédiée aux forfaits jours soient réalisés afin d’aborder de manière formelle : La charge de travail, l’organisation du travail, l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle et la rémunération. Ceci a fait l’objet d’un rappel de l’inspection du travail.
8. Évaluation des salariés
La répartition des augmentations selon l'évaluation de la performance est globalement cohérente : plus l'évaluation est bonne, plus la probabilité d'obtenir une augmentation est forte. Néanmoins, les élus du CSE constatent :
Pour un même positionnement performance, on observe une importante dispersion des augmentations ;
- 13% des salariés dont la performance est évaluée comme "supérieure aux attentes" n'ont pas bénéficié d'augmentation ;
- L'évaluation "conforme aux attentes" entraîne en 2025 pour 2 salariés sur 3 une non-augmentation annuelle. Pour le tiers restant, les augmentations se situent principalement entre 2% et 4%.
Ceci pose la question de l’équité et de l’égalité de traitement, qui ressort aussi dans les enquêtes GPTW.
Les élus du CSE dénoncent le risque de subjectivité, de discrimination et de manque d’équité dans l’évaluation issue des CRH dans ce nouveau cadre, sachant :
- Que le critère « d’implication dans le collectif et les activités de l’entreprise » n’est pas précisément défini avec une liste des tâches/missions éligibles ;
- Que le critère de « respect des valeurs du groupe » ouvre sur le risque de subjectivité inhérent aux critères comportementaux alors que l’évaluation doit reposer sur des critères objectifs (Cour de cassation) ;
- Qu’il n’existe pas de pondération entre les critères de la contribution globale permettant de délimiter la portée de chacun d’entre eux au sein de l’évaluation ;
- Qu’il n’existe pas de référentiel de niveau de l’augmentation en fonction de la position sur l’échelle de la performance (4 niveaux, précédemment 5).
Par ailleurs, les élus du CSE pointent le risque que l’« acquisition de compétences et certifications », sans obligatoire mise en application, prenne le pas sur le travail réalisé par le salarié, lors de son évaluation.
Les élus du CSE demandent :
- à être informés du retour d’expérience issu de l’application de ce nouveau processus d’évaluation au titre du cycle CRH début 2026 ;
- la politique de rémunération de Sopra Steria Group (comment sont choisis les heureux augmentés ?).
9. Suivi managérial des salariés
Les responsabilités du MOP sont encore étendues avec notamment la reprise des tâches dévolues précédemment aux mentors (entretiens d’évolution et plan de développement des salariés). De plus, le rythme des entretiens d’évolution devient annuel.
Les élus du CSE s’inquiètent de la charge de travail des MOP.
Les élus demandent :
- la mise en place d’un suivi du temps passé à leurs missions managériales,
- une étude des moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission.
10. Rémunérations variables
Le système de rémunération variable est jugé complexe et peu lisible.
Les élus du CSE dénoncent le manque d’objectivité des parts variables attribuées et le pouvoir discrétionnaire des managers dans leur évaluation. En effet, que ce soit dans les lettres d’objectifs ou dans le contenu des mails envoyés aux salariés en 2025, figurent des mentions juridiquement contestables, notamment « l’appréciation hiérarchique du comportement personnel » comme possible condition de distribution.
Les élus du CSE demandent :
- une simplification, une consultation sur les modifications, et la communication des éléments de calcul à tous les salariés ;
- que les salariés éligibles à la prime et qui ne l’ont pas eu, en bénéficie. En effet, les élus du CSE alertait déjà précédemment sur la signature très tardive des lettres l’objectifs et selon la jurisprudence, cela entraîne le versement de la totalité de la prime. Ils réclament donc que tous les salariés concernés bénéficient de cette prime.
11. Prévention des risques professionnels
L’accidentologie et l’absentéisme repartent à la hausse.
Les élus du CSE demandent :
- Un questionnaire annuel d’évaluation des RPS dont la formulation des questions respectera les standards faisant autorités en matière de santé au travail ;
- L’implication de la commission SSCT dans la construction du questionnaire ;
- Un volume d’entretiens qualitatifs pour compléter l’évaluation des RPS faite par le questionnaire ;
- Que les mesures de prévention des risques soient davantage lisibles par site ;
- Que l’entreprise se dote d'indicateurs de suivi de l’efficacité des mesures de prévention notamment sur la prévention primaire ;
- Une meilleure lisibilité du PAPRIPACT avec une présentation par site et unité de travail du détail des mesures proposées (description, coût, indicateur de mesure) ;
- La mise en place de mesures spécifiques dans DUER/PAPRIPACT concernant les malaises reconnus en AT ;
- L’information directe des Accidents de Travail au CSE et la CSSCT, conformément aux prérogatives de SSCT ;
- L’instauration d’un groupe de travail avec les membres CSE, direction et médecine de travail afin de travailler sur l’amélioration et la mise en place des préventions primaires ;
- Une attention sur les BU particulièrement exposées aux facteurs de RPS et un suivi régulier sur celles-ci (SRES outsourcing, SRES professional services, immo&services généraux) dans la continuité de l’an dernier, ainsi que sur le Conseil.
Conclusion
Les élus du Comité Social et Économique de la société SSG rappellent que, selon l’article L. 2312-15 du code du travail :
« Le comité social et économique émet des avis et des vœux dans l'exercice de ses attributions consultatives. […]
L'employeur rend compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis et vœux du comité. »
En application des dispositions légales précitées, les élus du CSE demandent à la direction de lui rendre compte de la suite qui sera donnée à l’avis, aux demandes et aux interrogations qu’ils viennent d’exprimer.
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