Retrouvez l’article de la Tribune :
« Les
entreprises qui ont révélé des profits 2021 records « devront
rendre », notamment la part que leurs gains doivent à la solidarité de l'État
et des pouvoirs publics dans la gestion de la crise. » (Laurent Berger,
CFDT)
L'actualité politique, économique et
sociale ne manque pas de sujets questionnant l'éthique. Laurent Berger,
secrétaire général de la CFDT, s'exprime sur deux d'entre eux, brûlants :
Orpea et les entreprises qui ont révélé des profits 2021 records. Ses mots, d'une rage
inhabituelle, traduisent une immense colère : les dirigeants du groupe de
maisons de retraite « sont des salopards qui devront payer cher »,
ceux des secondes « devront rendre », notamment la part que leurs gains
doivent à la solidarité de l'Etat et des pouvoirs publics dans la gestion de la
crise. »
Extrait :
Autre
sujet éthique épineux pour certains : en 2021, les cinq principales banques
françaises ont cumulé 31 milliards d'euros de résultats nets, TotalEnergies a
atteint 16 milliards de dollars de profits, et
le bénéfice consolidé des entreprises du CAC 40 a tutoyé les 140 milliards
d'euros. Ces résultats
historiques ont été obtenus « notamment » parce que l'Etat et
l'Europe ont soutenu l'économie et le social - et pendant qu'une grande partie
de la France était plongée dans les drames, aussi bien humains
qu'entrepreneuriaux. Concernant TotalEnergies, on
ajoutera que ce succès résulte dans sa grande majorité de son activité dans les
hydrocarbures, et intervient au moment où la crise du coût énergétique affecte
durement le pouvoir d'achat des Français. Y a-t-il là un sujet éthique
profond ?
Voilà
la preuve que nous sommes au bout de la logique du capitalisme débridé. Ce
n'est plus supportable et donc ce n'est plus tolérable. Ces deux dernières
années, à quoi l'économie doit-elle d'avoir survécu ? A la puissance
publique et ses nombreuses aides, aux impôts, à l'investissement des
travailleurs, à la mobilisation du monde associatif comme à celle des
partenaires sociaux (accords APLD pour maintenir l'emploi, etc.). Personne
ne peut oser le nier. Et c'est ainsi que l'économie se porte bien mieux qu'on
pouvait le redouter. Maintenant, il faut rendre. Ces entreprises doivent
rendre. Comment ? De trois manières. D'abord, une plus juste
répartition de la richesse via des négociations salariales de
branches exigeantes. Quand je vois certaines de ces entreprises (Auchan,
Bonduelle, etc.) accumuler d'immenses profits et concéder des miettes aux
salariés, cela me révulse.
D'autre
part, l'État doit maintenant s'engager dans une véritable conditionnalité
des aides publiques - notamment au maintien et au développement de l'emploi
de qualité -, dans une véritable répartition de la richesse,
et dans une véritable bascule en faveur de la transition
écologique. Et il faut appliquer un contrôle social aux aides versées. C'est ce
que la CFDT propose à travers l'avis conforme du CSE (comité social et
économique) ; les représentants du personnel doivent pouvoir s'assurer que
les aides versées ont été justement utilisées.
Enfin,
les entreprises doivent adopter des règles d'éthique bien plus strictes. Et en
premier lieu abandonner le principe, insupportable, d'optimisation fiscale.
Rappelons à quoi elle sert en priorité : soustraire aux salariés une partie de
la richesse créée pour la convertir en dividendes. La fiscalité doit, aux fins
de cette meilleure répartition de la richesse, être refondue autour de deux
axes : un meilleur partage au sein de la chaîne de valeur - en faveur par
exemple des sous-traitants - ; et aligner la taxation des revenus du
capital sur celle des revenus du travail. Cette mesure est capitale, si on
veut donner à la fois au travail sa juste valeur et au capital
sa simple valeur.
Denis Lafay
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire