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mercredi 14 mai 2025

En vitrine les résultats financiers, en arrière-boutique la casse sociale

Le point presse du 30 avril 2025 de Sopra Steria se voulait rassurant : les résultats du 1er trimestre seraient « conformes aux prévisions », les difficultés seraient passagères, la stratégie serait maintenue. Ce discours bien rodé, bardé de termes comme “résilience”, “capacité d’adaptation” et “transformation en cours”, cache pourtant une réalité sociale d’une toute autre nature. Une réalité brutale. Une politique d’effacement lent des effectifs, sans annonce, sans débat, sans aucun respect pour celles et ceux qui font tourner la machine.

En un an, 1 163 salariés ont disparu. Ce chiffre est glaçant. Il représente un site complet rayé de la carte. Et pourtant, aucun plan social. Rien. L'entreprise avance masquée. La direction refuse de dire comment ces réductions sont réalisées. Ruptures conventionnelles massives ? Fins de périodes d’essai organisées ? Licenciements déguisés ? Départs discrets sous pression ? Tout semble orchestré pour éviter d’avoir à assumer publiquement une politique de réduction de la masse salariale.

Ce climat pesant se lit aussi dans le taux d’attrition (taux de départs), qui atteint 16,4%. Cela signifie qu’un salarié sur six quitte l’entreprise. Et ce chiffre inclut ceux partis en moins de six mois, preuve que les recrutements ne tiennent pas (la fontaine de jouvence de la direction pour passer de 39 ans à 35 ans ne fonctionne pas). L’intégration échoue, la fidélisation est absente, l’ambiance pousse à la sortie. Ce n’est pas de la rotation naturelle, c’est une débâcle. Fuite face à des conditions de travail qui se dégradent, à des pressions accrues, à des perspectives bouchées. Fuite d’une entreprise qui n’écoute plus, ne parle plus, et applique ses décisions par-dessus les têtes et qui pousse ses seniors dehors.

Et la casse n’épargne pas les centres de services internationaux, qui perdent à eux seuls plus de 1 500 salariés. Là encore, silence absolu. Quelles activités sont concernées ? Quels postes ? Quel avenir pour les équipes restantes ? Aucune information, aucune concertation. La logique industrielle disparaît derrière une approche purement comptable. On ferme, on réaffecte, on efface. À quel prix humain ? À quel coût pour la qualité du service ? La direction ne répond pas. Et ne semble pas vouloir le faire.

Alors que les salariés attendent, à juste titre, une juste redistribution de la valeur qu’ils produisent, la direction choisit de verser des dividendes. Tout cela pendant que les flux de trésorerie restent solides, que les objectifs sont “maintenus”, et que les actionnaires continuent de percevoir leurs dividendes. Quand les résultats baissent, ce sont les salariés qui paient. Quand ils remontent, ce sont les actionnaires qui encaissent.

Et au milieu de ce paysage social inquiétant, la direction déploie son grand plan baptisé “Sopra Steria 2028”. Une soi-disant “transformation stratégique RH” (comprendre cure de jouvence) qui s’annonce comme un projet de modernisation RH (comprendre rajeunissement), d’industrialisation des services (comprendre les processus remplaceront les seniors), de recentrage client (garder les clients à forte marge) … Mais quand on gratte le vernis des mots, ce que l’on découvre, c’est un processus de précarisation bien organisé. La réduction volontaire du nombre de clients dits “stratégiques” à une centaine n’est pas anodine. Cela signifie que l’entreprise concentre ses ressources sur quelques comptes prioritaires, au détriment de toutes les autres activités. Résultat ? Des salariés mis sous pression sur ces comptes, et les autres laissés en intercontrat prolongé, sans affectation, en attente d’une porte de sortie.

Et ce que la direction appelle des “mobilités internes” ou des “réallocations de compétences” ressemblent de plus en plus à des mouvements imposés, sans logique métier, sans accompagnement. Des salariés affectés à des projets qu’ils ne maîtrisent pas, sans perspective d’évolution, sans reconnaissance de leurs expertises. Quant aux plus anciens, ceux qui coûtent cher, qui refusent la flexibilité, ils sont poussés vers la sortie, lentement, méthodiquement, jusqu’à craquer. C’est une stratégie de fatigue, de découragement, de mise au rebus organisée.

La CFDT dénonce fermement une dérive sociale préoccupante qui ne dit pas son nom. Elle n'est pas clairement affichée, mais elle est bel et bien en cours. Ce n’est pas une entreprise qui se transforme, c’est une entreprise qui efface. Ce n’est pas une adaptation, c’est une purge. Derrière les chiffres, il y a des vies. Des salariés engagés, fatigués, isolés, ignorés. Des équipes qui explosent, des compétences qui partent, des collectifs de travail qui se disloquent.

Pendant que les discours de façade se multiplient, la réalité du terrain est celle de la souffrance, du silence et de l’absence de perspectives. Les salariés ne sont pas des chiffres sur un tableau. Ils ne sont pas des lignes de coût qu’on ajuste en douce pour satisfaire les actionnaires. Ils sont le moteur de cette entreprise. Ils la font vivre, ils la font tenir. Et ils méritent le respect, la reconnaissance, et un avenir professionnel digne.

La CFDT exige la transparence immédiate sur les suppressions de postes et les pratiques en cours. Elle exige des garanties claires sur l’emploi, les rémunérations variables, et les conditions de travail. Elle exige surtout que la direction cesse de piloter dans l’ombre et ouvre un véritable dialogue social, à la hauteur des enjeux.

Parce que les salariés ne sont pas des variables d’ajustement. Ils sont le cœur de l’entreprise. Sans eux, rien ne tourne. Sans eux, pas de croissance, pas de client satisfait, pas de résultats à brandir. Le respect des salariés n’est pas une option. Il est urgent de le remettre au centre.


1 commentaire:

  1. On se demande bien qui est premier syndicat et pourquoi il ne fait rien.

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